La seigneurie de Châtel-Montagne
En 843, le traité de Verdun consacre la division de l'empire carolingien entre les trois fils de Louis le Pieux. S'en suivit deux siècles d'affaiblissement du pouvoir central : tous, depuis les "grands" princes et barons de l'ex-empire jusqu'aux châtelains nouvellement apparus, s'arrogent une part des droits régaliens : impôts, justice et transmission héréditaire de leur fief.
Les nobles les plus ambitieux et expansionnistes vont s'approprier les terres des plus faibles dont ils vont faire leurs vassaux.
Á la fin du 11e siècle, le pouvoir royal se renforce à nouveau, s'appuyant sur les grands seigneurs du royaume. Les anciens liens de vassalité "morale" (entre nobles moralement égaux malgré les différences de possessions) sont remplacés par une vassalité pyramidale augmentant la dépendance du plus faible au plus puissant, en remontant jusqu'au roi.
Une restructuration comparable affecte l'église dont le pouvoir - spirituel - se renforce, sans que diminue le cumul des charges seigneuriales et religieuses par les membres des grandes familles.
Au 11e siècle la place forte de Châtel-Montagne était tenue par des descendants de Robert de Centarben (→ note) alliés et proches de la famille de Semur en Brionnais. (→ note) . A noter que Saint-Albin et Semur-en-Brionnais d'où sont respectivement issues ces deux familles ne sont distantes que de 12 km.
Se trouvant exposé en première ligne face aux menées expansionnistes des comtes de Bourbon l'Archambault, la famille de Châtel-Montagne a renforcé, pour sa sécurité, ses liens de vassalité avec la famille de Semur :
* d'abord par le mariage de Dalmasse de Chatel-Montagne avec Adélaïde de Semur, sœur de Hugues de Semur, abbé de Cluny.
* plus tard, par la donation faite par Hugues de Châtel-Montagne et Étiennette aux moines de Cluny, une cinquantaine d'années plus tard (1080 ou 1082). Dalmasse de Châtel-Montagne s'étant fait moine à Cluny, la châtellenie avait échu à son frère Hugues.
Il existe une mauvaise traduction tardive de L'ACTE DE DONATION, (→voir) effectuée par "le seigneur Dalmas, fils de Dalmas et de Sigelgonde, et son épouse Étiennette". (→ note)
Cette donation fut confirmée par le pape Urbain II en 1095.
En réalité, trois protagonistes participaient à ces alliances :
La Maison de Semur issue de la famille de Vergy, (→ note), l'abbaye de Cluny et la lignée des Centarbin de Châtel-Montagne, chacun d'eux retirant un bénéfice différent.
1) L'abbaye de Cluny en créant un nouveau prieuré à Châtel-Montagne étend son rayonnement et renforce son pouvoir spirituel laissant espérer de nouvelles entrées - accompagnées de donations - dans les monastères dépendant de l'abbaye. Chaque dépendance de l'abbaye lui reverse sa dîme. Cet apport d'argent est indispensable pour les activités de bienfaisance mais aussi pour la réalisation de projets : la construction de la nouvelle église, "Cluny III", débutra en 1095.
2) La puissante famille de Semur (→ note) dont un ancêtre, Guillaume le Pieux avait fondé le monastère de Cluny en 908, reste fortement impliquée dans son existence. Pendant la période de construction de l'église de Châtel-Montagne, 21 membres de la famille entreront au monastère, Cluny pour les hommes, Marcigny pour leurs femmes et leurs filles. (→ note)
Les dots accompagnant l'entrée dans les ordres, ainsi que les nombreuses donations diminuent les avoirs de la famille de Semur et l'affaiblissent considérablement. L'alliance renforcée avec la famille de Châtel-Montagne défendant son flanc ouest vient à point. Mais trop affaiblie, la famille de Semur disparaitra dès la seconde moitié du 12e siècle, la châtellenie passera aux mains d'une branche cadette, la famille de Luzy.
3) La famille des Châtel-Montagne verra automatiquement se former un village (ouvriers, artisans et leur familles, serviteurs laïques du prieuré) auprès du prieuré que Cluny ne manquera pas d'ériger, source de nouvelles taxes et de nouvelles entrées d'argent. Ce choix était judicieux, vu l'importance que va acquérir le village de Châtel-Montagne au fil du temps, devenant l'une des 30 "villettes" les plus importantes du Bourbonnais au 15e siècle. L'assistance militaire liée aux liens matrimoniaux ainsi qu'à la présence de l'enclave Clunysienne sur son sol est une sécurité face aux Forez tenu par la maison de Bourgogne, et surtout face aux menées des Bourbons.
* * * Comme dans la famille de Semur (→ note), de nombreux membres de la famille de Centarben entrent dans les ordres (→ note) Coïncidence liée à la religiosité de l'époque ou témoignage de liens étroits entre ces deux familles. Quoi qu'il en soit, dots et donations répétées ruineront également les deux familles, et rendant inopérante leur alliance. La branche d'origine des Châtel-Montagne s'éteint, aucune branche des Centarben ne reprenant le fief à la mort du dernier héritier mâle (1285) alors que la famille de Semur sera remplacée dans son fief par la famille de Luzy (ou de Lucy).